Siècle de progrès techniques en matière d’optique, d’instruments de vision, de physiologie de la vue et de médecine ophtalmologique, le XIXe siècle est aussi, de manière plus générale, le « siècle du regard » (Ph. Hamon), le « siècle de l’observateur » (J. Crary), le siècle du « panoptique » (M. Foucault). Le privilège du visuel s’y manifeste, de manière elle-même spectaculaire, par des inventions et pratiques culturelles en série ayant trait à la vision. C’est le siècle des –scopes : kaléidoscope (Brewster, 1817), phénakistiscope (Plateau, 1832), stéréoscope (Wheatstone, 1838), ophtalmoscope (Helmholtz, 1851), télestéréoscope, bioscope ou stério-fantascope, pseudoscope, etc. C’est le siècle des –ramas (panorama, diorama, cosmorama, néorama, etc.). C’est le siècle du perfectionnement des instruments d’optique : microscopes, télescopes, lorgnettes, longues vues… Soit donc le siècle de la médiatisation du regard au travers d’instruments de plus en plus perfectionnés, destinés à en accroître la portée ou l’acuité, mais qui en transforment de fond en comble les conditions
Ces nouvelles focales influent sur la perception mais aussi sur les modalités de la vie sociale. Ce que suggère Mme de Girardin lorsqu’elle écrit : « La réalité parisienne est toute dans l’aspect. Nous avons des yeux de Diorama, de Panorama, de Néorama ; les effets d’optique suffisent à la légèreté de nos regards » (1837).
Dans les arts plastiques, la question du point de vue s’impose, d’autant que la photographie confirme le primat du visuel et invite à un nouveau dialogue entre les arts. Sous l’influence des arts visuels, les descriptions montent en puissance : si elles manquent chez Saint-Simon, c’est que « les yeux n’étaient pas nés », notent les Goncourt (1862). On assiste enfin à une « spectacularisation » de la vie sociale : affiches, magasins, musées, expositions, passages, « fantasmagorisation de la marchandise » (Marx). Et Balzac de se réjouir des prodigalités visuelles que « lampe » l’« œil du Parisien » : feux d’artifice, palais en verres, féeries, panoramas, expositions, caricatures, vignettes, lithographies, sans oublier le gaz qui illumine les boulevards et les « points de vue » que ménage la municipalité.
C’est à étudier sous tous ses aspects cette primauté nouvelle du visuel au XIXe siècle, que le VIIIe Congrès de la Société des études romaniques et dix-neuviemistes est consacré.