Les décennies pendant lesquelles se formèrent les grandes alliances précédant la Première Guerre mondiale (Triplice, alliance franco-russe, Triple Entente) étaient marquées par d’intenses échanges scientifiques et économiques entre la Russie et les puissances occidentales. Ces nations investissaient massivement dans l’empire des tsars, y transféraient leur savoir-faire ou des capitaux et saisirent l’occasion pour améliorer leurs connaissances ou augmenter leur influence sur cet immense pays. La Russie quant à elle profitait de ces interventions “idéelles” et économiques, notamment pour améliorer ses infrastructures ou professionnaliser la science. Ces transferts n’étaient guère unilatéraux (allant exclusivement d’ouest en est). Un des objectifs majeurs de l’engagement des puissances occidentales était de “tester” de nouvelles stratégies ou de nouvelles pratiques dans l’empire russe pour éventuellement les appliquer plus tard dans leur propre pays. La Russie devint en quelque sorte un vaste champ d’expérimentation. Sa richesse en matières premières et sa (proto-) industrialisation tardive, en comparaison avec les autres nations européennes, suscitèrent les plus grands espoirs des investisseurs. Elle avait un autre atout, elle était plus facilement joignable que, par exemple, les États-Unis, ce qui réduisait les nombreux frais, dont le voyage ou le transport des hommes comme du matériel. Malgré un certain nombre de recherches ponctuelles, il n’existe à l’heure actuelle pas d’analyse complète des investissements scientifiques, technologiques ou économiques combinée avec les interactions des puissances européennes dans l’empire des tsars. Ce colloque a pour objectif de montrer toute l’envergure de la Russie comme laboratoire et tente de mettre à jour les premiers procédés stratégiques et politiques mis en œuvre en ce pays. La notion de transfert, avec ses réseaux et acteurs, s’avère primordiale pour décrire les processus de modernisation, d’aliénation et d’adaptation de la Russie comme du pays investisseur, l’acquisition des savoir locaux représentant un argument important pour partir vers l’ouest, même si le séjour nécessitait une certaine acculturation et, selon sa durée, une assimilation du moins partielle, de la part de l’investisseur. Les provinces de l’immense empire, avec leurs élites et leurs rapports spécifiques avec les étrangers sont au centre de ce colloque international.